Intimités francophones
See the trailer: https://www.youtube.com/watch?v=WdLPxtbvLw8
Directed by Anne-Céline Genevois and Alex L. Raymond of Projet Ose, the documentary filmmakers have made a film on French-speaking minorities. For 35 days, the duo of Quebec filmmakers traveled thousands of kilometers, sometimes on the roads, sometimes in the air, to meet citizens of Acadia, Ontario, Maine, Louisiana and Haiti.
Intimités francophones is an exchange between francophones in the Americas. They tell us about their linguistic issues and their cultures shaped by the plurality of languages in the territory. At every moment, identities are revealed, words are loosened, struggles become clearer.
Intimités francophones is an exchange between francophones in the Americas. They tell us about their linguistic issues and their cultures shaped by the plurality of languages in the territory. At every moment, identities are revealed, words are loosened, struggles become clearer.
Réalisé par Anne-Céline Genevois et Alex L. Raymond de Projet Ose, les documentaristes ont réalisé un film sur les minorités francophones. Pendant 35 jours, le duo de cinéastes québécois a parcouru des milliers de kilomètres, tantôt sur les routes, tantôt dans les airs, pour rencontrer des citoyens de l'Acadie, l'Ontario, du Maine, de la Louisiane et d'Haïti.
Intimités francophones est un échange entre les francophones des Amériques. Ces derniers nous racontent leurs enjeux linguistiques et leurs cultures façonnées par la pluralité des langues du territoire. À chaque instant, les identités se dévoilent, les mots se délient, les luttes se précisent.
Intimités francophones est un échange entre les francophones des Amériques. Ces derniers nous racontent leurs enjeux linguistiques et leurs cultures façonnées par la pluralité des langues du territoire. À chaque instant, les identités se dévoilent, les mots se délient, les luttes se précisent.
Interview avec Anne-Céline
• Pouvez-vous parler un peu de ce qui vous a influencé à créer “intimités francophones” ?
Intimités francophones est une histoire de rencontres :
Une rencontre il y a plus de dix ans avec le projet extraordinaire de la Caravane des dix mots. Une rencontre avec le Québec où je vis depuis plus de dix ans. Une rencontre avec des personnes qui ont pris le temps de m'expliquer ce qu'elles avaient vécues et ressenties avec leurs langues. Une rencontre avec Denis Desgagné, à l'époque directeur du Centre de la francophonie des Amériques. Et une capsule vidéo où un québécois explique que sa langue est une teinte, qu’elle n’est pas mieux qu'une autre, mais que c'est celle qu'il a choisie pour s'exprimer au monde. Et l'aventure a commencé ou plutôt continué...
Deux films documentaires ont été réalisés. Intimités francophones qui concerne les territoires de la Louisiane, du Maine, d'Haïti, de l'Ontario, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick. Puis, intimités francophones d'eux qui se déroule dans l'ouest canadien (Alberta, Manitoba, Saskatchewan, Yukon) et au Brésil (Rio Grande Do Sul, São Paulo, Rio de Janeiro).
Il s'agissait de faire connaitre les enjeux des francophones qui vivent dans les Amériques. Je me suis intéressée à l'expérience des personnes en situations linguistiques minoritaires.
À la fin du premier tome, une femme affirme que les minorités linguistiques (et que peut-être toutes les minorités) ont beaucoup de choses à apporter au monde. Elle parle d'expériences, de ce vécu comme une identité, comme une richesse qui aurait le pouvoir de rendre le monde meilleur. C'est ça que je suis allée chercher. Et cela s'est amplifié dans le deuxième tome. Il aborde les enjeux identitaires et linguistiques d’un point de vue décolonial. La langue française est devenue une passerelle vers les autres langues et les autres cultures. Cette expérience minoritaire pouvait faire écho avec d'autres communautés en Amériques qui avaient notamment vécu cet héritage de la perte linguistique ou l'amorce d'une décolonisation.
• Comment avez-vous choisi les sites que vous avez explorés et les sujets que vous avez suivis ?
La collaboration avec le Centre de la francophonie des Amériques a marqué des choix de territoires afin de souligner la dimension Amériques. Il était question d'inclure l'ensemble des Amériques qui vivent des expériences francophones et pas uniquement le Canada. Il s'agissait de montrer la diversité de toutes ces expériences de la langue sur des territoires extrêmement vastes et aux cultures riches et diverses. Ainsi, il a été choisi de collaborer avec des territoires différents dans le tome 1 et le tome 2.
Dans le premier tome, il a été convenu d'aller à la rencontre de la Louisiane, du Maine, d'Haïti, de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. C'était l'occasion d'expérimenter une diversité de points de vue et de vécus. Cette idée s'est poursuivie dans le deuxième tome où une relation s'est tissée entre deux pays-continents, le Canada et le Brésil : un vécu francophone dans l'Ouest canadien avec un vécu francophone au Brésil. Puis, les relations vécues par les habitants avec d'autres langues qui existent sur ces territoires se sont imposées comme une évidence dans le film.
Les sujets se sont imposés également grâce aux rencontres. Pour le tome 1, quatre-vingt-dix personnes ont été interviewées. Elles étaient issues de secteurs différents tels que l'éducation, le communautaire, la linguistique et la francophonie, l'institutionnel, l'économie et le culturel afin de recueillir une diversité de points de vue.
Les interviews étaient menées avec une trame d'entrevue qui partait de l'enfance des locuteurs pour ensuite aborder leurs enjeux territoriaux, la transmission de leurs langues ou parfois l'histoire de leurs langues liées au territoire. Mais l'entrevue se déroulait comme une discussion, où les personnes étaient libres d’aborder les thématiques qui leur étaient importantes. L'idée était d’aborder le vécu linguistique des personnes et l'expérience de la langue au présent. Ensuite, des thématiques se sont recoupées et les sujets des chapitres sont apparus.
• Qu’est-ce qui vous a marqué le plus en voyageant et en rencontrant vos sujets ?
La corrélation des expériences minoritaires ! Quand parler ta langue devient un enjeu politique,
social et culturel, c'est ça qui m’a le plus marqué.
J’ai écouté des personnes m'expliquer qu'elles ont hérité de la perte de la langue - un héritage de l'absence. Certaines d'entre elles, comme leurs parents, ont dû choisir d'effacer la transmission linguistique. Ils ont dû choisir de ne pas "dire" pour exister "paisiblement ". Ces personnes m'ont confié qu'elles ont préféré ne pas transmettre leur langue maternelle à leurs enfants, pour qu'ils ne soient pas perçus comme différents. D'autres m'ont expliqué qu'ils ont été obligés à ne pas parler leur langue, à l'oublier par force. Enfin, d'autres m'ont expliqué que la langue appartient à ceux qui la parlent, qu'il n'y a pas une langue française, mais qu'il y a des langues françaises diverses et riches. Que l'accent est un marqueur territorial magnifique et nécessaire démontrant notamment que tout le monde peut parler la langue comme il le désire et comme il en fait l'expérience. J'ai observé que les francophones peuvent être sensibles, notamment en raison de leur expérience minoritaire, à l'expérience d'autres locuteurs présents sur les territoires vivant des situations linguistiques, sociales et politiques compliquées, comme c'est le cas pour les peuples autochtones. Leurs langues disparaissent. Ils sont dans l'urgence de la préservation de leurs langues.
• Si vous aviez l'opportunité de refaire le projet, ou de recommencer votre procès, que feriez-vous différemment ?
Je resterais plus longtemps sur les territoires pour prendre le temps de (se) rencontrer et découvrir les habitants du territoire. Je travaillerais davantage en collaboration et peut-être sous la forme d'une résidence artistique qui me permettrait de m'intégrer et de visiter de façon informelle les personnes (le temps d'un café, d'un thé, d'une marche, d'un diner, etc.). J'aimerais avoir le luxe de créer dans la lenteur. Aussi ce temps de création lent me permettrait de prendre davantage conscience des angles morts. Ces enjeux que nous ne pouvons pas voir au premier abord, car ce sont des réalités qui ne sont pas mises au premier plan. Par exemple pour la Louisiane, je pense notamment aux enjeux liés à la créolité. La langue n'a pas qu'une facette, elle est parlée par une multitude de locuteurs qui ont leurs histoires, leurs cultures, leurs mémoires, et c'est cela qui m'intéresse.
• Selon vous, quel est le futur de la langue française parmi les communautés francophones globales?
Pour moi la langue française doit être hospitalière. Le concept d'hospitalité des langues porté par le philosophe Patrice Meyer-Bisch et intégré au projet de la Caravane des dix mots est important. La langue française a en quelques sortes cette mission de valoriser la diversité culturelle à travers son propre vécu linguistique et elle doit être aussi sensible aux expériences vécues par les autres langues sur les territoires. Ainsi la langue française peut créer des ponts et des espaces pour parler des enjeux que peuvent vivre d'autres langues. Peut-être que la langue française peut ou doit être une alliée pour des langues qui vivent présentement de situations imminentes d'extinction. Peut-être qu'elle peut permettre de (se) raconter et de commencer une certaine décolonisation de notre pensée.
• Pouvez-vous définir la particularité de votre travail? Quelle est la signification du travail du documentariste ?
Je cherche à créer des occasions de rencontres en collaborant avec des personnes d'horizon diverses. Ma posture d'artiste me permet d'entrer en relation avec l'autre, celui que je ne connais pas et que j'aimerais justement connaitre. Ainsi, j'organise ma démarche artistique pour initier des dialogues. Chaque œuvre que je produis est une opportunité de rencontres. J'essaye d'inventer des espaces propices à la découverte de l’autre et de son univers. Je crée des dispositifs pouvant faire appel à la photographie, à la vidéo, au son et à l’installation. J’utilise mes médiums artistiques comme des artefacts anthropologiques, témoins de l’humanité que je transforme pour présenter au monde un patrimoine immatériel ; l'expérience de l'individu. Mes créations racontent des expériences individuelles reflétant la diversité des individus. Mes œuvres traitent de sujets tels que : la relation à la langue, la marginalisation des individus et des communautés, des femmes judiciarisées et des inégalités sociales.
Le médium de la vidéo est en quelque sorte ce que j'ai trouvé de mieux pour être au plus près du réel : le regarder, l'écouter, l'archiver, le (re)montrer/ le faire voir. Ce médium s'est imposé à moi. J'ai commencé par la photographie et j'aimais ce rapport à l'image fixe à tout prix : figée dans le temps, sans mouvement, juste-là. Mais la relation à l'autre et l'envie de collaboration m'ont orienté vers le documentaire et la vidéo. Ainsi, je pense que la particularité de mon travail réside dans ce lien entre la vidéo et la photo - entre le réel comme un mouvement : se modifiant, vivant qui permet de prendre le temps, de visiter l'autre, d'expérimenter l'autre et le figé - l'inerte : pour mieux voir, mieux comprendre, découvrir, prendre le temps d'observer pour mieux entrer en relation.